[ Pobierz całość w formacie PDF ]
.Les juges se levèrent ; les archers, incertains, regardèrent le président : il frémit de tout son corps, mais resta immobile.– Que chacun se taise ! dit-il d’une voix aigre ; archers, faites votre devoir !Cet homme se sentait soutenu par une main si puissante, que rien ne l’effrayait, car la pensée du ciel ne lui était jamais venue.– Mes pères, que pensez-vous ? dit-il en faisant signe aux moines.– Que le démon veut sauver son ami… Obmutesce, Satanas ! s’écria le père Lactance d’une voix terrible, ayant l’air d’exorciser encore la supérieure.Jamais le feu mis à la poudre ne produisit un effet plus prompt que celui de ce seul mot.Jeanne de Belfiel se leva subitement, elle se leva dans toute sa beauté de vingt ans, que sa nudité terrible augmentait encore ; on eût dit une âme échappée de l’enfer apparaissant à son séducteur ; elle promena ses yeux noirs sur les moines, Lactance baissa les siens ; elle fit deux pas vers lui avec ses pieds nus, dont les talons firent retentir fortement l’échafaudage ; son cierge semblait, dans sa main, le glaive de l’ange.– Taisez-vous, imposteur ! dit-elle avec énergie, le démon qui m’a possédée, c’est vous : vous m’avez trompée, il ne devait pas être jugé ; d’aujourd’hui seulement je sais qu’il l’est ; d’aujourd’hui j’entrevois sa mort ; je parlerai.– Femme, le démon vous égare !– Dites que le repentir m’éclaire : filles aussi malheureuses que moi, levez-vous ; n’est-il pas innocent ?– Nous le jurons ! dirent encore à genoux les deux jeunes sœurs laies en fondant en larmes, parce qu’elles n’étaient pas animées par une résolution aussi forte que celle de la supérieure.Agnès même eut à peine dit ce mot que, se tournant du côté du peuple : – Secourez-moi, s’écria-t-elle ; ils me puniront, ils me feront mourir ! Et, entraînant sa compagne, elle se jeta dans la foule, qui les accueillit avec amour ; mille voix leur jurèrent protection, des imprécations s’élevèrent, les hommes agitèrent leurs bâtons contre terre ; on n’osa pas empêcher le peuple de les faire sortir de bras en bras jusqu’à la rue.Pendant cette nouvelle scène, les juges interdits chuchotaient, Laubardemont regardait les archers et leur indiquait les points où leur surveillance devait se porter ; souvent il montra du doigt le groupe noir.Les accusateurs regardèrent à la tribune de l’évêque de Poitiers, mais ils ne trouvèrent aucune expression sur sa figure apathique.C’était un de ces vieillards dont la mort s’empare dix ans avant que le mouvement cesse tout à fait en eux ; sa vue semblait voilée par un demi-sommeil ; sa bouche béante ruminait quelques paroles vagues et habituelles de piété qui n’avaient aucun sens ; il lui était resté assez d’intelligence pour distinguer le plus fort parmi les hommes et lui obéir, ne songeant même pas un moment à quel prix.Il avait donc signé la sentence des docteurs de Sorbonne qui déclarait les religieuses possédées, sans en tirer seulement la conséquence de la mort d’Urbain ; le reste lui semblait une de ces cérémonies plus ou moins longues auxquelles il ne prêtait aucune attention, accoutumé qu’il était à les voir et à vivre au milieu de leurs pompes, en étant même une partie et un meuble indispensable.Il ne donna donc aucun signe de vie en cette occasion, mais il conserva seulement un air parfaitement noble et nul.Cependant le père Lactance, ayant eu un moment pour se remettre de sa vive attaque, se tourna vers le président et dit :– Voici une preuve bien claire que le ciel nous envoie sur la possession, car jamais madame la supérieure n’avait oublié la modestie et la sévérité de son ordre.– Que tout l’univers n’est-il ici pour me voir ! dit Jeanne de Belfiel, toujours aussi ferme.Je ne puis être assez humiliée sur la terre, et le ciel me repoussera, car j’ai été votre complice.La sueur ruisselait sur le front de Laubardemont.Cependant, essayant de se remettre : – Quel conte absurde ! et qui vous y força donc, ma sœur ?La voix de la jeune fille devint sépulcrale, elle en réunit toutes les forces, appuya la main sur son cœur, comme si elle eût voulu l’arracher, et, regardant Urbain Grandier, elle répondit : – L’amour !L’assemblée frémit ; Urbain, qui, depuis son évanouissement, était resté la tête baissée et comme mort, leva lentement ses yeux sur elle et revint entièrement à la vie pour subir une douleur nouvelle.La jeune pénitente continua :– Oui, l’amour qu’il a repoussé, qu’il n’a jamais connu tout entier, que j’avais respiré dans ses discours, que mes yeux avaient puisé dans ses regards célestes, que ses conseils mêmes ont accru.Oui, Urbain est pur comme l’ange, mais bon comme l’homme qui a aimé ; je ne le savais pas qu’il eût aimé ! C’est vous, dit-elle alors plus vivement, montrant Lactance, Barré et Mignon, et quittant l’accent de la passion pour celui de l’indignation, c’est vous qui m’avez appris qu’il aimait, vous qui ce matin m’avez trop cruellement vengée en tuant ma rivale par un mot ! Hélas ! je ne voulais que les séparer [ Pobierz całość w formacie PDF ]

  • zanotowane.pl
  • doc.pisz.pl
  • pdf.pisz.pl
  • gieldaklubu.keep.pl
  •