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.Pourquoi ne les aurait-elle pas simplement retranscrites, comme les autres ?— La clé du code », dit Toller.Tula, arrêtée en plein élan, considéra l’argument, finit par hocher la tête : « Pour la marelle, à la rigueur…— Comment, à la rigueur ? protesta Méralda – non seulement très au courant des recherches sur le carnet, mais tout aussi acharnée à défendre les théories de Lisbeï que Lisbeï elle-même.« Je dirais plutôt : les contes, à la rigueur, mais la marelle sans aucun doute ».Personne d’autre qu’elle ne peut avoir répandu les signes de la marelle.— Une autre qui aurait connu le code aussi ? dit Kélys.— Mais pourquoi ? »L’exploratrice haussa une épaule : « En souvenir de Garde ?— Pendant les Ruches, tu veux dire, des disciples ?— C’est une possibilité », dit Tula.Lisbeï décida qu’il était temps d’intervenir : « Pourquoi aurait-elle appris ce code à ces disciples, d’abord ? Comme langage secret de communications ? Mais c’est un code enfantin, tu l’as dis toi-même, Kélys.Et puis, surtout, elle leur aurait appris ce code et personne n’en aurait jamais parlé ?— On n’a jamais parlé de la Danse et de la drogue non plus, remarqua Kélys.— À commencer par Garde elle-même ! C’est une invention de Hallera.— Rien ne prouve que Garde ait cessé d’écrire dans son carnet juste avant de le donner à Halde, remarqua Kélys.Au contraire, il semblerait plutôt qu’elle avait cessé d’y écrire depuis un certain temps – ou sinon, elle emploierait le vieux-frangleï courant à l’époque de Halde.Elle a très bien pu élaborer le rituel de l’Appariade sans jamais le noter nulle part et le transmettre oralement à ses disciples, comme le dit Hallera.— Halde n’en parle pas quand elle raconte la dernière nuit qu’elles ont passée avec elle, au contraire de Hallera.— Mais si le travail de Hallera a pour but d’installer et de consolider le culte d’Elli, elle peut très bien, pour des raisons… pédagogiques, avoir construit son récit de la dernière nuit à partir de plusieurs autres rencontres où la cérémonie a bel et bien eu lieu, même si ce n’était pas le cas la dernière nuit.»Lisbeï faillit répliquer, agacée, qu’on en était à des hypothèses sur des hypothèses d’hypothèses, ce que Carméla de Vaduze appelait « le troisième degré », – référence sombrement sarcastique à une variété de torture appliquée dans certaines Chefferies.Mais Kélys, somme toute, ne faisait qu’examiner systématiquement toutes les possibilités – justement ce qu’elle faisait elle-même quand les autres avaient trop de certitudes.Elle retint un sourire : eh bien, elle voyait maintenant de qui elle tenait sans doute une partie de ses mauvaises habitudes.« De toute façon, dit-elle, l’important, c’est que cette petite Garde vivait dans des Mauterres.Il y en a seulement deux qui n’ont pas été visitées, encore moins explorées en entier.Celles de Callenbasch et les nôtres.»Le silence se prolongea pendant que chacune, une fois de plus, envisageait les conséquences de cette hypothèse, la première qu’avait formulée Lisbeï lorsqu’elle avait fini de décoder le journal de la petite Garde.« Mais si elles y vivent encore, dit Mooreï, avec une sorte d’angoisse, pourquoi n’en sortent-elles pas ? »Antoné semblait avoir mieux accueilli les nouvelles que Mooreï.Elle avait examiné la photographie de Garde sans rien dire, écouté sans rien dire Lisbeï résumer les fragments écrits par Stellane puis lire sa transcription hâtive du début du carnet.Se replongeait-elle, sans s’en rendre compte, dans le silence obligatoire de l’Arbitre ? Mais Lisbeï avait senti que la Médecine n’était pas vraiment troublée.Antoné ne s’était pas crue dispensée de continuer à réfléchir après avoir rendu sa Décision, et elle était restée assez curieuse pour accueillir ces nouvelles données sans en être menacée.De quelle façon elle les interprétait, c’était autre chose – elle n’en parlerait d’ailleurs pas.Elle avait simplement dit, dans le silence qui avait accueilli la fin de l’exposé de Lisbeï : « Eh bien, Garde n’a pas fini de nous en apprendre.»Une chose était certaine : cette Antoné-là ne demanderait pas une autre Décision.« C’est assez clair, il me semble, dit Méralda.Elles veulent rester à l’écart.— Après plus de quatre cents ans ? Elles doivent bien savoir que les Harems n’existent plus, ni même les Ruches.Et que nous ne sommes pas des sauvages.— Si ce sont des communautés d’aberrations…, murmura Tula, les sourcils froncés.— Garde était normale, intervint Lisbeï.— Garde est morte et ressuscitée, dit Mooreï d’une voix un peu altérée.— Et morte à nouveau et peut-être ressuscitée à nouveau », compléta Antoné, plus calme qu’elle.Lisbeï leva les mains pour prévenir la discussion qu’elle sentait venir : « La question n’est pas là pour l’instant.Divine, il se peut très bien que Garde ait choisi de venir de Mauterres, pour rendre plus éclatant encore son message de paix et de tolérance.Humaine, cela ne diminue en rien son message, au contraire.Divine, ou humaine, ou les deux, ce n’est pas cela que nous sommes en train de discuter ici.Les informations sont insuffisantes à mon avis pour rouvrir cette discussion-là.L’important, ce sont ces communautés dans des Mauterres.Moi, je pense que ce sont les Mauterres de Béthély.Et la seule façon, c’est d’aller y voir.— Ce sont les Grandes Mauterres ! protesta Tula.Personne n’en est jamais revenue ! »Lisbeï regarda Kélys, mais Kélys ne dit rien.« Si elles sont vraiment aussi polluées que le disent les patrouilles, personne ne peut y vivre maintenant.À plus forte raison à l’époque de Garde.Pourtant… »L’ambiance collective de doute et d’inquiétude commençait à ronger le fil ténu qui reliait encore Lisbeï au souvenir de son intuition première, à la certitude qui l’avait illuminée ensuite lors de la transcription du journal.Personne ne mettait en doute le contenu du journal.Mais l’endroit où se trouveraient les communautés dont parlait la petite Garde… Des Mauterres, certainement.Les Grandes Mauterres ? Le journal ne donnait aucune indication permettant de l’affirmer, ou Garde adulte n’en avait laissé aucune.Stellane confirmait la déclaration de Halde : Garde ressuscitée venait de la direction des Mauterres quand les Compagnes l’avaient rencontrée.Mais ni l’une ni l’autre ne disaient qu’elle était des Mauterres.Elle pouvait avoir simplement pris un de ces raccourcis dont avait parlé Kélys.Les adultes minuscules, aux squelettes emmurés dans les cellules, pouvaient venir d’autres Mauterres.« Ça veut tout simplement dire que ce ne sont pas nos Mauterres », dit Tula, obstinée.Dès le début, elle avait exprimé son désaccord avec le projet d’exploration de Lisbeï, et maintenant que la discussion revenait sur ce point plutôt que sur le contenu du carnet, elle hésitait moins à affirmer son opposition.Lisbeï essayait de ne pas se sentir trahie chaque fois que Tula soulevait une nouvelle objection : Tula devait avoir peur pour elle ; mais c’était exaspérant quand même.« Le carnet décrit bel et bien des aberrations, remarqua Antoné.Ces gens « à la fois très vieux et très jeunes », qui meurent décrépits à quarante-cinq ans… Et ceux qu’elle appelle « Séti » ressemblent quand même bien à une variété de nains.— Les trois Compagnes emmurées…, murmura Mooreï.— Des mutations bien bénignes si on considère la réputation des Grandes Mauterres, insista Lisbeï.— Justement ! Pourquoi les Mauterres auraient-elles cette réputation si elle était fausse ? rétorqua Tula
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